Innocence


Astrid A. Innocence Ajouté le 13/09/2011 à 20h39
{Bon voilà, je lance la trame de mon texte, certes cet exercice de style n'est pas si proche que ça de la poésie mais votre oeil critique m'est devenu assez familier, je le poste donc ici dans l'espoir où quelqu'un aura assez de courage pour le lire jusqu'au bout, en espérant que je ne soit pas trop choquante dans le thème que j'ai choisi (clin d'oeil à ceux qui me suivent: admettez que pour une fois, je parle d'amour... certes un poil détourné...}

Je m'appelle Innocence, j'ai vingt et un an et je suis née dans un bordel. Vous savez, ces grandes maisons qui vendent chair et boissons?

Ma génitrice, Marcia, est une fidèle employée, payée à l'heure elle n'est pas ce qu'on dirait bon marché mais elle a encore des échelons à gravir avant d'atteindre les hautes sociétés.

Mon père? Lui, on n'a jamais trop su qui c'était. Peut être un des clients de Marcia, un coup qui aurait mal tourner. Autrefois, il était difficile de demander au client de se protéger. Maintenant, depuis l'adoption de la loi pour la protection de nos employées, tous les clients sans exception doivent utiliser le préservatif offert par la maison.

Marcia ne s'est jamais vraiment occuper de moi. On peut dire que j'ai été élevée par l'ensemble de la maisonnée. Grandir parmi des filles de joies ne doit pas être gai c'est ce que vous vous dites n'est-ce pas? Pourtant je suis indemne. Je suis allée à l'école comme toutes les petites filles sauf qu'à la sortie, c'était jamais la même "maman" qui me récupérait.

Plus tard, à l'adolescence, tout le monde se moquait de mon prénom "Innocence". "Innocence, c'est pas un prénom pour une fille de trainée!" m'avait-on crié.

Très vite, j'appris l'utilité du carnet rose de rendez vous qui se trouvait sur le comptoir de Patty. Patty, c'est une femme forte et rousse, elle a un grain de beauté sur le haut de la lèvre supérieur à gauche. Elle s'habille toujours avec des couleurs vives et brillantes. Ne vous fiez pas à son physique, beaucoup de clients la demande en particulier. "C'est grâce à mon secret" elle me répétait. Je n'ai jamais su de quoi elle parlait, et ce jusqu'à aujourd'hui, même si je suppose que c'est un de ses jeux sexuels populaires, je ne suis vraiment certaine de rien. Patty est la plus vieille des filles, c'est elle qui a toujours fait en sorte de me préserver. Elle a une voix emplie de sagesse, une femme d'expérience comme on dit. C'est elle qui m'a murmuré"Ma petite Innocence, La vie, soit tu la prends, soit elle te prend" un jour alors que je rentrais des cours couvertes de boue et de bleus. On s'en est souvent pris à moi sachant d'où je venais mais le lendemain, j'étais retournée en cours fièrement, le carnet rose à la main. On ne m'a plus beaucoup embété depuis ce jour.

Puis il y a Svetlana. Svetlana est russe. Là bas, elle vivait dans la misère, elle n'avait pas accès aux soins, ses parents étaient pauvres et elle n'allait pas à l'école. Quand elle était petite, elle s'était associée aux enfants du quartiers pour aller voler les bourgeois dans les grandes rues de Moscou. Ils montaient tous clandestinement dans la navette et une fois descendus, tous se disperser et la chasse commencer. Elle a été vendu au bordel par ses parents qui n'arrivaient plus à joindre les deux bouts. A ce que j'en sais, elle aurait deux soeurs, l'une en France et l'autre en Espagne, mais depuis sa "déportation", elle n'a plus de nouvelle. Bien qu'elle ait des goûts folkloriques, elle m'apprend à suivre la mode, à me maquiller et, en échange, moi je lui apprends à écrire le français. Son petit accent amuse beaucoup ses clients.

Mais on peut aussi parler de Barnabé. C'est un grand noir d'au moins un mètre quatre vingts dix. Autant dire que quand j'étais petite, Barnabé était un géant pour moi. Il est là depuis longtemps, c'est en quelque sorte, le videur du bordel. Eh oui, il arrive parfois que tout ne se passe pas très bien. Barnabé, il ne parle pas beaucoup mais quand il s'y met, tout le monde l'écoute toujours avec beaucoup d'attention. Peut être à cause de son imposante musculature? Il aime beaucoup raconter des histoires qui viennent de son pays, l'Afrique. C'est un secret mais Barnabé ne vient pas du tout d'Afrique il est bel et bien français mais il dit que les gens sont plus interressés de le savoir africain que français. C'est pour ça qu'il cache toujours ses papiers. Je sais aussi que Barnabé admire beaucoup Baudelaire, j'ai vu ses livres dans sa chambre. Il me racontait souvent des histoires pour m'endormir le soir quand j'avais peur du noir. Barnabé, c'est un peu le père que je n'ai jamais eu, il faisait figure d'autorité "Calme-toi ou j'appelle Barnabé" mais il jouait aussi souvent avec moi, ce qui n'était pas le cas de toutes les filles. Pourtant Barnabé ne criait jamais, seule sa présence suffisait à m'appaiser. Il a toujours refusé de venir me protéger quand j'avais des soucis à l'école ou ailleurs, "Venir pour te protéger, c'est te transformer en faible personne, T'apprendre à te protéger, c'est te changer en forte personne" disait-il. Il m'a donc appris à me défendre, ou du moins physiquement.





De l'Afrique, viennent Keyah et Kiziah, deux soeurs. Originaires toutes deux d'un petit village du Kenya. En réalité, elles ne sont pas soeurs mais elles se plaisent à le faire croire et leurs ressemblances deviennent alors frappantes. Leurs tenues du soir à toutes les deux sont forcement en tissus léopard, un clin d'oeil à leurs origines. Elles ne doivent pas être beaucoup plus vieilles que moi. Elles sont arrivées ici, je devais avoir quinze ans et elles dix neuf. Elles ne parlaient pas beaucoup français mais progressaient très vite. Et même si elles peuvent paraitre provocantes à première vue, elles ont le coeur sur la main. J'ai mis du temps à les connaitres, elles ne sont pas très bavardes à propos de leur passé mais j'ai pu avoir quelques informations. Leurs famille là bas, vivaient dans la pauvreté extrème et la famine. Les villages livraient bataille pour un peu d'eau potable et elles sont quelques unes des rares survivants qu'il y a eu lors de l'attaque de leur village. Après cette perte insoutenable, elles ont décidé de venir tenter leur chance en france, pays de la liberté et des droits de l'homme. Elles sont partie avec un rêve et sont arrivés les deux pieds dans la réalités, puis il y avait Patty et d'autres filles.

Mais ma préféré reste Antaram, ma confidente. Elle est arménienne et son prénom signifit: l'Imortelle. Elle est la seule descendante de sa famille a avoir survécu au génocide Arménien. Sa mère est morte en la mettant au monde puis elle fut placé de maison d'accueil en maison d'accueil, jusqu'à ses seize ans. A cet âge là, elle a décidé de faire ce qu'elle voulait de sa vie. Elle est partie sur les chemins Arménien. De Alaverdi, elle a réussi à traverser la frontière pour passer en Turquie. Arrivée à Istanbul, elle a réussi à passer en Grèce grâce à des amis convoyeurs qu'elle s'était faite sur le chemin. Tantôt à pied, en voiture, en camion ou en train, pas toujours grâce à des moyens légaux, elle a visité comme ça la côte sud-ouet de L'Albanie d'où elle a prit le bateau jusqu'à Bari en Italie, de Napoli elle est reparti à pied en longeant la côte ouest jusqu'à son arrivée chez nous, en France. Un périple long, difficile et souvent douloureux et angoissant. Quand Patty l'a accueillie à la maison, elle était maigre et affaiblie, puis elle l'a nourrie, vêtie et loger. Contrairement à Keyah et Kiziah, Antaram parle beaucoup de son passé, elle pense l'avoir vécu et pas subit, ce qui fait une grande différence. Elle m'a beaucoup appris, surtout sur le fait de ne jamais perdre de vue ses objectifs dans la vie, et que, malgré tout, même si on s'égare, on retrouve sans cesse le bon chemin, à nous de savoir lequel suivre.

Ici, on vend de l'amour et de l'espoir, et toutes nos filles ont une histoire. Je sais que pour vous, filles de joie est un métier exécrable, mais j'ai l'impression de vivre dans une grande famille. Même si la vie n'est pas toujours rose, avoir une épaule et une oreille attentive rend la vie un peu plus facile. On m'a laissé le choix, je ne suis pas fille de joie, je travaille au bar avec Paulo, le maître des coktails.

Toutes ces filles ne l'ont pas choisi, alors mérite-t-elle vos vilennies? Quand les clients ne voit qu'un cul, moi je vois leur coeurs rempli de peur, d'espoir et débordant d'amour malgré leur blessures.



A.Arnaud.


Grand Jacques RE: Innocence Ajouté le 13/09/2011 à 23h21
Bonsoir Astrid,

De la Haine à l'Amour !!Ce sont parait-il deux sentiments très proches...

Du courage pour te lire? et pourquoi ? Le courage n'est-ce pas le tien, d'écrire ce roman d'amour que ce soit le tien ou celui d'une autre?. Le monde de la prostitution est un monde solidaire tel sans doute comme tu le décris si bien. Ton récit n'est pas choquant il est pathétique, bouleversant, émouvant. Le déshonneur n'est pas le "bordel" il est pour ceux qui l'ont crée. Le déshonneur on le côtoie tous les jours dans la rue, dans le monde du travail dans le monde de la politique.

Chapeau bas pour toi Astrid, tu m'as "esbroufer" comme on dit chez moi en Belgique. Merci l'artiste...

Amicalement

Jacques

Astrid A. RE: Innocence Ajouté le 14/09/2011 à 09h31
Du courage pour me lire étant donné la longueur de mon texte et le sujet un peu "choquant" qu'il m'a été donné de choisir, et surement une multitude de fautes d’orthographe car ce n'est vraiment pas ma tasse de thé.
Mais merci de ce commentaire, ça me réchauffe le coeur !

Au plaisir de partager.

A.A.

Flonette RE: Innocence Ajouté le 14/09/2011 à 13h20
Merci Astrid du partage
Ton texte est très fort, je n'ai eu aucun courage, mais juste eu envie de te lire. Et j'ai bien aimé lire ce roman d'amour.
je te transmets, ce poème que j'ai lu hier
Poème de Hjalmar Sôderberg poéte Suèdois tiré de Dr Glas

Nous voulons être aimés,
à défaut, être admirés,
à défaut être redoutés,
à défaut, être haïs et méprisés.
Nous voulons éveiller une émotion chez autrui,
quelle qu'elle soit.
L'âme frissonne devant le vide et recherche le contact
à n'importe quel prix.

Amitiés
Au plaisir de lire et d'écrire
Florence


Astrid A. RE: Innocence Ajouté le 14/09/2011 à 14h49
Pas si mal le poème, et totalement vrai, mais plusieurs poètes l'ont rapporté. L'ignorance est la meilleures des punitions, je crois me rappeler grâce à mes cours d'anthropologie, que les aborigènes d’Australie ignoraient celui qui avait fauté et que c'était la pire des punitions, plus de noms, plus de vie social, plus de reconnaissance sociale (mais je me trompe peut être de tribu, ça serait pas la première fois que ça m'arrive. )

Je ne sais pas très bien si on peut considérer mon texte comme un roman d'amour mais en tout cas, maintenant je sais que je peux voguer sur ce nouveau sentiment de manière originale (à ma manière un peu étrange, parfois mélancolique et sarcastique). Je n'aurais jamais pensé pouvoir écrire quelque chose de ce genre là.

Merci pour vos commentaires

Au plaisir de partager.

lolo RE: Innocence Ajouté le 15/09/2011 à 15h57
Bonjour Astrid
je le trouve trop court ton récit, je l'ai dévoré du début à la fin car je trouve ton style super. On dirait du vécu! Les personnages semblent vivants, avec de l'humour en plus.
Quand tu veux, j'adore.
Amitiés
Laurence (lolo)

Astrid A. RE: Innocence Ajouté le 15/09/2011 à 19h14
Alors, j'ai une nouvelle qui va te ravir Laurence, ceci n'était que la trame, j'ai prévu de faire plus long (et pourquoi pas en faire une nouvelle?) et de le retravailler les jours prochains. Et non, (mal)heureusement, ce n'est pas du vécu.
On ne choisit pas sa famille, ni ses amis (et oui, désillusion) mais on choisit de donner et de recevoir de l'amour et c'est déjà pas mal!

Au plaisir.
A.A

Grand Jacques RE: Innocence Ajouté le 16/09/2011 à 00h50
Astrid, bonsoir

Encore une fois félicitation pour cette histoire d’amour.

Petite question qui j’espère n’est pas indiscrète : tes études anthropologiques ont-elles portées sur un aspect particulier de cette théorie philosophique : Culturelle, économique, linguistique, politique, religieuse ou autres ?

Je suis curieux n’est-ce pas …

Amicalement

Jacques

Astrid A. RE: Innocence Ajouté le 16/09/2011 à 10h19
J'ai fait la première année de médecine qui inclut des cours de sociologie humaine donc Sociologie et anthropologie. L'anthropologie culturelle et religieuse m'a toujours intéressée donc j'ai commencé à lire des livres s'y rapportant depuis pas mal d'années mais les cours portaient sur l'anthropologie médicale, culturelle et religieuse (malheureusement pas vraiment en profondeur). Mais je suis heureuse car je n'ai pas eu besoin de travailler cette matière afin d'obtenir 20/20! (un rien peu nous rendre heureux).
Mais je n'ai pas eu le concours j'aurais dû écouter la voix de la sagesse qui me soufflait que j'avais un esprit littéraire... Mais où nous mènent les études littéraires? Pas très loin je suppose...

La question n'était pas indiscrète.
Je suis contente d'éveiller la curiosité !

Au plaisir d'écrire
A.A.

Grand Jacques RE: Innocence Ajouté le 17/09/2011 à 00h46
Bonsoir,

Certes les études littéraires, à quelques rares exceptions, ne mènent pas très loin, pour en vivre décemment mais nous apportent une énorme satisfaction personnelle. C’est l’essence même de la vie...

Je considère la littérature comme une philosophie.
La philosophie, et les philosophes, ont vocation à s’intéresser à l’ensemble des activités humaines - art, sciences, littérature - par lesquelles notre rapport au monde, aux autres et à nous-mêmes peut être interprété ou même transformé
La littérature élargit le champ de l'expérience humaine et lui donne une valeur exemplaire

Alors, Ecrivons, Lisons , vivons !!

A te lire avec plaisir.

jacques

Plume
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