Les mystères de Rachelle K.


Indy Les mystères de Rachelle K. Ajouté le 22/05/2003 à 14h36
Librement inspiré de Voltaire.


Chapitre premier



Vous m'ordonnez de célébrer des seins :
Ma voix est faible, et même un peu profane.
Il faut pourtant vous chanter cette femme
Qui fit, dit-on, des prodiges divins.

Elle affermit, de ses coquines mains,
De son amant la tige gallicane,
Trouva son roi dans la rage bestiale,
Et se fit oindre des pieds au creux de ses reins.

Rachelle montra sous féminin visage,
Sous le corset et sous le cotillon,
D'un vrai Alexandre le vigoureux courage.

J'aimerais mieux, le soir pour mon usage,
Une beauté douce comme un mouton ;
Mais la belle scorpionne a un coeur de lion :
Vous le verrez, si lisez cet ouvrage.

Vous tremblerez de ses exploits érotiques ;
Et le plus grand de ses rares cadeaux
Fut de garder sa vertue au sommet de sa rage.

O musicien, toi dont le violon,
De discordante et gothique mémoire,
Sous un archet maudit par Apollon,
D'un ton si dur a raclé son histoire ;

Vieux musicien, pour l'honneur de ton art,
Tu voudrais bien me prêter ton outil :
Je n'en veux point ; c'est pour ma mie,
Pour lui conter cette histoire en harmonie.

Le fol Alexandre, en mal d'amour,
Au début de pluviôse, au bord d'une rivière,
Rencontra la belle et sensuelle bergère :
Une beauté nommée Rachelle.

Jamais l'Amour ne forma rien de tel.
Imaginez d'un petit faon la jeunesse,
La taille et l'air de la nymphe des bois,
Et de Vénus la grâce enchanteresse,
Et de l'Amour le séduisant minois,
L'art d'Arachné, le doux chant des sirènes :
Elle avait tout ; elle aurait dans ses chaînes
Mis les héros, les sages, et les rois.
De votre imagination elle n'avait rien
A emprunter car tout déjà chez elle était bien.

La voir, l'aimer, sentir l'ardeur naissante
Des doux désirs, et leur chaleur brûlante,
Lorgner Rachelle, soupirer et trembler,
Perdre la voix en voulant lui parler,
Presser ses mains d'une main caressante,
Laisser briller sa flamme impatiente,
Montrer son trouble, en causer à son tour,
Lui plaire enfin, fut l'affaire d'un jour.

Princesses et rois vont très-vite en amour.
Rachelle voulut, savante en l'art de plaire,
Couvrir le tout des voiles du mystère,
Simple Kleenex lui masquant le nez,
Elle se dissimula et ne se laissa pas toucher.

Pour colorer comme on put cette affaire,
Alexandre fit choix de prendre un thé.
Confident sûr, et ardent natif du Taureau :
Il eut l'emploi qui certes n'est pas mince,
De lui faire la cour en prince.

Devant des manières aussi cavalières,
La belle Aphrodite était tellement fière
Qu'elle ne put s'empêcher de fondre
et se laisser aller à des pensées profondes.

Monsieur Taureau, sur le bord de la Saône,
Était seigneur d'un fort joli château.
Il attela un week-end ses chevaux
Et s'enquit chercher sa belle sur son trône.

Il l'emmena visiter les fauves que le zoo héberge ;
Tout fut sans faste, et non pas sans apprêts.
S'en suivi une halte dans une auberge.
Festins des Dieux, vous n'êtes rien auprès !
Nos deux amants, pleins de trouble et de joie,
Ivres d'amour, à leurs désirs en proie,
Se renvoyaient des regards enchanteurs,
De leurs plaisirs brûlants avant-coureurs.

Les doux propos, libres sans indécence,
Aiguillonnaient leur vive impatience.
Le prince, en feu, des yeux la dévorait ;
Contes d'amour d'un air tendre il faisait,
Et du genou le genou lui serrait.

Le souper fait, on eut une musique
Irlandaise et en genre mélancolique;
On y mêla trois différentes voix
Aux violons, aux flûtes, aux hautbois.
Elles chantaient l'allégorique histoire
De ces héros qu'Amour avait domptés,
Et qui, pour plaire à de tendres beautés,
Avaient quitté les fureurs de la gloire.

Cette musique de la belle aiguisa les ardeurs,
Dans le calèche ils prirent place pour le retour.
Tous les deux avaient envie de faire l'amour
Mais leur rang dictait de maitriser leurs ardeurs.

La belle Rachelle, discrète et retenue,
Le guida pour arriver dans sa rue.
Déjà la lune est au haut de son cours :
Voilà minuit ; c'est l'heure des amours.

Dans une alcôve artistement dorée,
Point trop obscure, et point trop éclairée,
D'où l'on entendait tout, et d'aucuns n'était vue,
Entre deux draps que la Frise a tissus,
De la belle Rachelle les charmes sont reçus.

O vous, amants, vous qui savez aimer,
Vous voyez bien l'extrême impatience
Dont pétillait notre fol Alexandre !

Sur ses cheveux, en tresse retenus,
Parfums exquis sont déjà répandus.
Il vient, il entre au lit de sa maîtresse ;
Moment divin de joie et de tendresse !

Le coeur leur bat ; l'amour et la pudeur
Au front de Rachelle font monter la rougeur.
La pudeur passe, et l'amour seul demeure.
Son tendre amant l'embrasse tout à l'heure.
Ses yeux ardents, éblouis, enchantés,
Avidement parcourent ses beautés.

Qui n'en serait en effet idolâtre ?
Sous un cou blanc qui fait honte à l'albâtre
Sont deux tétons séparés, faits au tour,
Allant, venant, arrondis par l'Amour ;
Leur boutonnet a la couleur des roses.

Téton charmant, qui jamais ne reposes,
Vous invitiez les mains à vous presser,
L'oeil à vous voir, la bouche à vous baiser.
Pour mes lecteurs tout plein de complaisance,
J'allais montrer à leurs yeux ébaudis
De ce beau corps les contours arrondis ;

Mais la vertu qu'on nomme bienséance
Vient arrêter mes pinceaux trop hardis.
Tout est beauté, tout est charme dans elle.
La volupté, dont Rachelle a sa part,
Lui donne encore une grâce nouvelle ;
Elle l'anime : amour est un grand fard,
Et le plaisir embellit toute belle.

Trois heures entières, nos deux jeunes amants
Furent livrés à ces ravissements.
Du lit d'amour ils vont droit à la table.
Un déjeuner, restaurant délectable,
Rend à leurs sens leur première vigueur ;

Puis pour la chasse épris de même ardeur,
Ils vont tous deux, sur des chevaux d'Espagne,
Suivre cent chiens jappant dans la campagne
Et rugissant commes deux fauves avec fureur.

Et puis avant la tombée de la nuit,
Le fol Alexandre chastement s'est enfuit.

A leur retrouvaille, il la conduisit aux bains.
Pâtes, parfums, odeurs de l'Arabie,
Qui font la peau douce, fraîche et polie,
Sont prodigués sur elle à pleines mains.

Le dîner vient : la délicate chère,
La tartiflette savoyarde et le coq de bruyère,
De vingt ragoûts l'apprêt délicieux,
Charment le nez, le palais et les yeux.

Du crémant du Jura à la mousse pétillante,
Et du Bailey's, la liqueur jaunissante,
En chatouillant les fibres des cerveaux,
Y porte un feu qui s'exhale en bons mots.

Aussi brillants que la liqueur légère
Qui monte et saute, et mousse au bord du verre :
Nos amis intimes d'un gros rire applaudirent
La griserie qui monte à l'esprit du brevage qu'ils prirent.

Et, sur la fin de ce fortuné jour,
Le couple heureux s'enivre encore d'amour.
Plongés tous deux dans l'excès des délices,
Ils paraissaient en goûter les prémices.

Toujours heureux et toujours plus ardents,
Point de soupçons, encore moins de querelles,
Nulle langueur ; et l'Amour et le Temps
Auprès de Rachelle ont oublié leurs ailes.

Alexandre souvent disait entre ses bras,
En lui donnant des baisers tout de flamme :
Ma chère Rachelle, idole de mon âme,
Le monde entier ne vaut point vos appas.
Vaincre et régner, ce n'est rien que folie.
Mon employeur me bannit aujourd'hui ;
Au capitalisme la France est asservie :
Ah ! qu'ils soient riches, mais qu'il me porte envie ;
J'ai votre coeur, je suis plus riche que lui.

Un tel discours n'est pas trop héroïque ;
Mais un héros, quand il tient dans un lit
Auprès d'une maîtresse au physique érotique,
Peut s'oublier, et ne sait ce qu'il dit.


Pauley RE: Les mystères de Rachelle K. Ajouté le 10/03/2006 à 21h51
Super poème que je suis aller chercher là à la dernière page du site, Bravo Indy

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