Les Fleurs Magnifiques
Taos | Les Fleurs Magnifiques | Ajouté le 09/11/2008 à 17h32 |
I Fleurs magnifiques, Éparpillées sur les clôtures métalliques, Mais fleurs toujours, En robe de velours. Modestes et fragiles, Elles courbent leur corolle en cils, Puis sous la brise qui les ranime, Penchent leur cou gracile, Et se mettent à babiller futiles. Leur légèreté est un mystère, Qui nous attire et nous indiffère, Mais leur parfum, comme un secret, Encore plus que leur attrait, Enferment nos doigts sans résister. Beauté du jour, telle une fragrance, Déposent passion et délivrance. Salut à vous petites fleurs du jardin, Qui mettez de la douceur dans nos chagrins. Jaunes, blanches ou rouges, anonymes ou de renom, Les hommes s’emparent de vos prénoms, Transforment vos couleurs en symboles, Pour vous redonner la parole. Pourtant silencieuses et uniques, Vous vous épanouissez dans l’air magique, Et cachez sous le gel des saisons, Les premiers vers du printemps. II Qu’est-ce qui vous rend si belles, Vous les fleurs des champs, Votre manque d’entendement, Ou votre sens de la raison ? Vous secouez la tête pour dire oui, Comme pour dire non, Puis vous disparaissez, cruelles, Dès qu’on vous parle maison. Comme vous pouvez fleurir au bord des sentiers de terre, En des endroits insoupçonnés, Ou au cœur même du désert, En des endroits inhabités. Que vous raconte donc la brise, Qui vous fait prendre la pose, Une histoire de rose, Ou de boîte à surprise ? On vous catalogue et vous nomme, Puis on vous abandonne, Mais vous restez peu banales, Belles créatures en cavale. Qui a dit que la fourmi, un jour, réprimanda la cigale ; N’est-ce pas pour vous chanter qu’elle fut si matinale ? III Que de fois je vous écoute, Ô fleurs en déroute, Quand la soif est sans doute, Le plein cœur du mois d’août. Je vous arrose alors, D’un peu d’eau volée, Au linge en fils dorés, Pour vous soulager. Et pourtant je ne vous en donne qu’une poignée, Mais ces quelques gouttes vont tout changer, Car le matin vous trouve encore là, égales à vous-mêmes, Pleine de bonté pour qui vous aime. IV Pourquoi dit-on de ces plantes qu’elles sont mauvaises, Quand leur feuillage persistant rend la terre moins glaise. On les repousse, on les arrache, on les secoue sans façons, On les jette même en pâture au soleil brûlant. Comme si leur présence était absence de rangement, Nous les percevons comme injure à notre passion. Car nous n’aimons que les plantes belles, Qui riment avec douceur et ornement. Et nous trouvons ces autres plantes bien trop rebelles, Moches, envahissantes et sans distinction. Nous ignorons leur nom et marchons sur elles sans grâce ; Quoi qu’elles disent et quoi qu’elles fassent. Le but est bien souvent de les ménager, Quand d’aventure on en a besoin, Pour la valeur de leurs soins. Mais dès la page tournée, Il suffit juste de les oublier, En les empilant dans un coin, En attendant de les dégager. Mais malgré la bataille qu’on leur livre, Les mauvaises plantes s’épanouissent et continuent à vivre. V Soyez rassurées chères fleurs de nos jardins, Je ne vous ferai pas l’offense, D’afficher ma préférence, Parmi vous. Comment oser défier la nature, En faisant, d’une révérence, Une fleur dans le royaume ? Toutes les fleurs sont pareilles et de même valeur, Sans différence d’emblème ou de couleur. Il n’y a pas de lys pour Roi. Et de la teinture indigo pour doigts. Il n’y a que des hommes sots et peu courtois, Pour défendre de telles lois. Car les fleurs sont un présent de Dame nature, Qui fait vivre chenilles, abeilles et coccinelles sous toutes ses boutures. Miel, soleil, pollen, Les fleurs rapprochent pour nous le ciel. Et bien que précieuses, les fleurs ne sont pas de pierre, Car loin d’être des diamants, elles sont amour de la terre. VI Qu’elles soient fleurs-fruits, fleurs-primeurs ou fleurs-fleurs, Les fleurs sont attente et interrogation, Qui demandent asile et protection. Car le moindre petit vent furtif et maladroit, Les fait frémir et trembler de froid. Pourtant pudiques et comme effacées derrière leur feuillage, Elles ne font que vous regarder en demeurant bien sages. Mais dès que vous les croisez au détour d’un passage, Inclinent la tête, froissent leurs pétales en guise de message. Que demandent-elles donc avec si peu de courage ? Quelques gouttes d’eau en guise de partage. Car les fleurs partagent avec nous cette mystérieuse nourriture, Que l’eau soit essentielle à notre nature. Mais après tant de sollicitude et d’attention, Qui n’a été de surprise en étonnement, De découvrir en ce moment d’enchantement, Que le fruit a remplacé la fleur ? Tomate, haricot ou simple pomme de terre, La fleur a imprimé notre bonheur, Sur nos tissus, nos murs, nos rêves et même au plus profond de notre cœur. Nul besoin d’être riche pour faire vivre une fleur, Ou de savoir déclamer des vers pour accéder à cet honneur, Ou d’être bien jeunes pour se déclarer vainqueur. Un seul mot, honnête et sincère, Suffit à qui aime la terre. Car la terre est la seule vraie rime de la fleur, Que réunit en un seul lieu la beauté de l’Univers. VII Quand on a tout dit des fleurs, Trouve-t-on encore quelque chose à redire ? Oui, car les fleurs ont quelque chose d’indéfinissable, Un silence, une pause, un je ne sais quoi, Qui fait que lorsqu’on les regarde, on se repose. Nulle voix, nul bruit, nul son ne vous dérange, De leur part, il n’y a ni calcul ni mensonge. Les fleurs sont là, naturelles, comme en offrande, Mises en bouquets ou distribuées à la ronde. Mais elles sont là pour parsemer les feuillages d’étoiles, D’étamines et de graines que le vent emporte sur des bateaux à voiles. Elles sont un véritable mystère, une si grande école, Qu’on ne peut les comprendre, Car on doit leur paraître bien drôles. Vous, messieurs toutes solutions, Qui vantez vos mérites et semez la destruction. J’aurais tant voulu éviter ce mot dans le jargon des plantes, Mais comment l’oublier quand sa froideur nous hante ? VIII Qui veut donc chauffer la planète à la faire exploser ? Les ramasseurs d’argent au portefeuille troué. Leurs besoins sont immenses et leur course effrénée, À tel point qu’ils dépassent leur but sans se retourner. Ils disent qu’ils veulent donner vie à l’humanité, Et pourtant une simple piqûre d’insecte suffit à la décimer. De terre d’argile en gris métallisé, le monde s’est-il vraiment modernisé ? Certains croient à cette misère et ne veulent rien y apporter, Car leur changement est ailleurs que dans le cœur de l’humanité. VIV Mais restons dans la beauté des choses, Et que rien ne vienne troubler notre prose. Ne nous laissons pas enfermer par les mots, Et quittons la terre pou l’eau. Laissons-nous déferler sur les vagues, À l’endroit où se décrochent les algues. Elles voguent sur l’eau comme des colliers de vert, Plongent, réapparaissent et font la planche, Se laissant aller dans l’eau fraîche et étalant leurs branches, Montrant qu’elles n’ont pas peur, Qu’elles sont bien des filles de la mer. Et quand fatiguées de trop nager, Elles finissent par s’effilocher, Elles vont se distraire sur le rivage, Là où les coquillages les ont déjà devancées. X Combien m’intriguent ces plantes, Qui organisent notre rencontre, Entre la plage et la mer. Comme de petites oasis bien hardies, Elles poussent, éparses, là où le sable est affranchi. Elles ont quitté leur lisière là-bas, où tarde le vent, Là où la montagne résiste encore à l’assaut du temps. Et pendant que leurs sœurs y sont restées frêles et évasives, Attirées par le paysage, elles sont quant à elles sur la défensive. Pointes acérées, feuillages accentuées, Elles avancent à petits pas vers le rivage, Pour se noyer dans l’appel du large, Là où la fraîcheur revient toujours à la charge, Pour que tous les éléments se mêlent, Et que naissent les fleurs de sel. Lasses d’être toujours sur terre, À contempler les dunes, Elles rêvent d’être étoiles de mer, Et décrocher la lune. XI Les vagues, courant à perdre haleine, Comme à la vue d’une vieille connaissance, Foncent sur le lieu même de leur enfance, En petits vaisseaux d’écume et de laine. On les dirait furieuses ou en colère, Et pourtant, elles ne font que jouer, formant des bulles d’air, Qui vont mousser à la surface de l’eau, Rappelant à leur manière, pour les mouettes là-haut, Que la pêche est bonne, pour qui se nourrit de la mer. Sans planche ni bouée de sauvetage, Les algues se laissent aller à la nage, Et bavardent, calmes et sereines, Les cheveux lâchés comme des sirènes. XII Les algues, joyeuses et ludiques, Ne vont jamais au fond des choses. Elles préfèrent vivre à l’ombre des roches, pudiques, Fuyant la rivalité du corail et du nacre rose. Glissant avec les rumeurs du courant, qui sillonne les rivages, Elles écoutent les commérages, Qu’ébruitent les poissants-volants, De retour d’un long voyage. Elles écoutent, mais pas vraiment, Car leur seul souci est la force du vent. Lui seul peut influencer les vagues, Quant à son tour, il sort de sa torpeur et divague. XIII Quand vient le soir, les algues s’endorment sans doute, Avec pour oreiller, les dernières vagues du mois d’août. Elles voguent paisiblement, à l’abri de la mode, Du qu’en –dira- t-on qui secoue le grand monde. On les rencontre souvent au détour d’un plongeon, Attachées à nos pas, recherchant la compagnie des gens. Car on a beau les repousser du doigt, en des directions opposées, Elles reviennent doucement, sur nos bras se poser. Étranges algues qui flottent, décrochées de tout, Qui ont choisi la mer pour unique atout. |
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