Soleils brusqués
lucia sotirova | Soleils brusqués | Ajouté le 23/05/2004 à 16h05 |
Mots au revers, douleur en extase à la hauteur de l'ombre en nous. On sent l'odeur et on pressent le goût de l'amour en luttant contre son propre sang où poussent les jardins suspendus de l'innocence, les empires des roses et la lumière des étoiles éteintes depuis longtemps, où coule l'absence sereine des arbres du savoir. On oublie tout simplement le chemin de ses visions, on se laisse toucher par les mains en flammes de ceux qui n'existent pas encore dans la mémoire du silence... Je suis prête moi aussi à respirer la naissance d'une nouvelle voie lactée, à écouter le bourdonnement de mes propres paroles qui s'envolent dans la douceur du soir vers des autres lèvres - escarpement, chute peut-être, abîme qui engloutit leurs vols... Je suis prête à avoir froid dans les bras des défunts, à être aimée par des voix de ténèbres, je m'expose à des regards paralysés dans le néant et on m'aime à la folie, on me brise en morceaux, mes ailes coupées appartiennent au vent, mes oreilles sont pleines de tremblements de terre, ma bouche boit sans honte le nectar de l'impudeur et on dépose sur mon cou des baisers sans raison. O vous, mes amants incolores et bleus, ne cherchez plus mes seins - ils ont disparu à l'horizon de votre ignorance - deux pêches de velours modelées par vos mains de vertige, cueillies, mordues, ruisselantes, mes seins de lumière initiatique disposés entre deux sources de vie! Fin! L'éternité a coupé, le chemin coupe un autre chemin, les ponts sont détruits! Toute seule dans la nuit je m'abreuve à vos ombres, je m'ouvre à vos caresses qui inondent mon corps fragile, j'imagine les griffes de vos désirs enfoncées dans ma chair! O, je vous aime avec chaque fibre, avec chaque atome je délire! Vos pas s'éloignent, se mélangent, se perdent en berçant ma mémoire avide, mon attente en fièvre, l'ivresse de mon souffle abandonné aux rafales de votre folie! Et le vent et la pluie frappent vos nerfs et fouettent vos sens qui font naufrage dans une nouvelle étreinte... Ma voix d'herbe vous appelle, prolongée jusqu'aux racines des nuages, dans mes yeux d'encre chavire le bateau noir de la mort! Je t'appelle, toi, le dernier venu dans l'espace de ma tendresse, aime-moi, j'ai soif de ton âme, donne-moi ton rire violent, tes aubes sauvages et tes baisers urgents! Je te veux au creux de mon ventre, saoul et inspiré, cruel et tendre, féroce et vulnérable, dur, vivant, vif-argent, barbare, impitoyable! Je me fonds et je coule dans tes veines accueillantes! O je t'en prie, accroche mon nom à ta voix, sauve-moi, je ne suis qu'une femme d'écume et d'argile, inachevée, abandonnée dans un cri finissant! Mots au revers, mots liquides- c'est si peu, ce n'est rien, rien qu'une poignée de soleils brusqués dans nos yeux ivres de joie! La Terre reprend son cours vers les forêts cosmiques, nos désirs assouvis flottent sur les vagues d'un poème. Je t'aime, mon sang qui fleurit dans les jardins suspendus de mon innocence! Ma douleur en extase, je n'existe même pas! Je suis la reine du néant! 18 mai 2004, 16 h. |
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