La dame en Noir


Astrid A. La dame en Noir Ajouté le 30/09/2011 à 12h25
Nous ne sommes
Guère nombreux
Lorsque le glas sentencieux
Ne te sonnes.

Conviés à ce bel enterrement
En ce morne jour de Mai,
Face à ton corps inanimé,
Que tu affectionnais tant.

Tu arbore ton fameux sourire,
Sur ton linceul en lin blanc,
Te voilà bien seul maintenant.
Toi qui a tant fait souffrir.

Nous voilà quatres,
En ce jour de Pluie,
réfugié sous le buie
Pour toi, l'accariâtre.

Il y a le Père Roland
qui achève ton épitaphe
Long comme un paraphe
Te connaissant.

Mais moi je l'apperçois, elle,
Regardant ton visage pâle
A travers le tuile de son châle
Avec sa longue robe noir en dentelle.

Elle pleurait
face à ton cadavre de meurtrier.
Je me suis donc avancé
Pour la réconforter.

La tête baissée,
Je ne pu apercevoir son visage
Quel mauvais présage,
je n'ai pas vu ses larmes couler.

Soudain, je distinguais
Derrière son voile noir,
-Je me sentis choir-
Son sourire qui brillait.

Avant qu'elle ne me vit,
je pu distinctement apercevoir
Le poison qu'elle t'a fais boire
Entre les pans de sa robe endeuillie.

Elle prit peur,
Mais je lui tint la main.
Te voilà toi, le gredin,
Dans les bons soins du fossoyeur.

N'oublis jamais Avillisseur,
ce célèbre refrain:
"Jeux de mains, jeux de Vilains"
Et à présent, meurs.

Pour tous les coups et les malheurs
Qu'elle a dû supporté en silence,
Voilà la pire des sentences
Mourir seul noyé de déshonneur.


Grand Jacques RE: La dame en Noir Ajouté le 04/10/2011 à 00h35
Bonsoir Astrid,

Effrayant ce règlement du cœur devant un catafalque. Même la mort n’a pas le pouvoir de réconcilier les vivants.

C’est terrible pour toi de vivre avec cette noirceur, cette nuit qui est ancrée en toi si profondément. En connais-tu les raisons ? Je ressens en toi une vie en l’attente de la mort. Où bien est-ce de ta part une sorte de provocation vis-à-vis de la Faucheuse sachant que tu
es jeune et que l'attente sera longue pour elle ?

Nous vivons dans un monde qui se soucie assez peu de la mort. Pourtant, elle vient très tôt frapper à notre porte. La vie est une succession de deuils que nous sommes bien obligés d'assumer : mort de nos proches, mort d'un ami, d'un frère, mort de celui ou de celle qui nous aimions. Le deuil n'est pas une chose qui aille de soi, mais qui se vit et qui donne une leçon de vie. Mais traverser un deuil, est-ce pour autant être capable d'apprivoiser la mort? Peut-on tirer de la mort une leçon de sagesse pour la vie
La mort, la plupart du temps, nous évitons d'y penser, nous faisons comme si elle ne nous concernait pas. La première réponse que nous devons étudier correspond donc à la question est : ne faut-il pas vivre comme si on ne devait jamais mourir?
Après tout, pensons-nous dans l’opinion, la mort, on aura tout le temps d’y penser quand elle sera là, en attendant, on n’a qu’à vivre et ne pas y penser ! Alors, autant faire "comme si" la mort n'existait pas, et vivre dans l'insouciance, ne songeant qu'à nos projets, nos plaisirs du moment, ou à nos plaisirs futurs.

On peut retourner la chose en tous sens : notre vie ne peut avoir de sens si la mort n’y a pas sa place, parce que la mort fait partie intégrante de la vie. Elle joue un rôle si essentiel que nous avons besoin de lui reconnaître sa place pour que notre vie puisse conserver une authenticité et une dignité.

Au fond, la mort c’est apprendre à mourir. Non pas, bien sûr, qu’il s’agisse d’apprendre à se tuer, mais apprendre apprivoiser la réalité de la mort, au sein même de la vie. En quel sens donc la pensée de la mort peut-elle délivrer une sagesse de la vie ?

Pourtant Astrid, tu as écrit de textes magnifiques où la vie à sa raison d’être : j’ai encore en moi la lecture de « Hommage à Boris Vian », une leçon de vie avec « Innocence » et l’espoir avec « Partage » Alors pourquoi le noir et la mort que l’on ressens chez toi en filigrane ?

Pardonne cette observation méthodique des états de conscience de ta vie intérieure.

J’ai toujours plaisir au partage de nos idées, à la confrontation sur un sujet angoissant ou bien anodin , paisible, rassurant

Jacques

Flonette RE: La dame en Noir Ajouté le 04/10/2011 à 10h38
A ta lecture, je n'ai pas le même ressenti que Jacques, je vois d'autres choses, réglement de compte, justice rendu par un empoissonnement et vient la délivrance par la mort du bourreau qui meurt seul :

"Pour tous les coups et les malheurs
Qu'elle a dû supporté en silence,
Voilà la pire des sentences
Mourir seul noyé de déshonneur."

Merci Astrid de sortir ici tout cela et que cela t'apporte délivrance, espérance vers...
un ailleurs meilleur
des vers en couleurs

Au plaisir de lire et d'écrire
Amitiés
Flonette

Astrid A. RE: La dame en Noir Ajouté le 04/10/2011 à 15h21
Je tiens à vous rassurer tous les deux: Je vais bien. J'ai pris de la distance vis à vis de ce que j'écris et après décrire mon propre ressenti, me voilà disposée à écrire le ressenti des autres (sujets imposés, formes imposées). Il est clair que ceci demande plus de recherche, plus de questionnement, mais ça libère intensément le jugement que l'on porte parfois simplement sur des choses anodines, ou le jugement qu'on ne porte pas car on ne peux pas suffisamment ouvrir les yeux, ou qu'on ne veut pas les voir. Si on ne les voit pas, elles n'existent pas.

D'un autre côtè, purement pratique cette fois ci, c'est mon style d'écriture et je ne peux guère en changer sauf rare fois (d'où les poèmes que tu as cité Jacques) où je ne maitrise pas encore toute la technique (on m'a même dit qu'il était impossible pour moi de les avoir écrits comme quoi... j'ai bien réussi mon coup: changer complétement de style). J'appartiens dorénavent au style mélancolico-dramatique, et ce n'est pas le style qui m'appartient. (je crois que cette phrase résume un peu toute ma philosophie.)

Au plaisir de partager et de toujours évoquer des ressentis chez les autres, à ce qui parait c'est pas donné à tous les auteurs de textes de faire ressentir à travers de simple mots, des sensations froides, déplaisante ou au contraire chaleureuse et nostalgique.

A.A.

Grand Jacques RE: La dame en Noir Ajouté le 04/10/2011 à 22h59
Astrid,

Content de te savoir bien dans ta peau et ton âme…

C’est un vaste sujet que de vouloir écrire sur les ressentis d’un inconnu ou d’une inconnue. Nous sommes régis sans doute par notre inconscient, survivance d’émotions lointaines que l’on croit oubliées. Il est parfois difficile en soi de connaître les limites entre son conscient et son inconscient.

Tu entreprends là un travail passionnant pour toi et pour l’auteur dont tu auras peut-être contribué à sa propre découverte en éveillant son inconscient.

J’ai vécu cette expérience avec Lysée qui sur un de mes poèmes en a écrit une version différente dans laquelle je me suis....reconnu et découvert.. C’était très fort et surtout troublant

A bientôt au gré de nos lectures, et nos découvertes

Jacques

Plume
© Indigene Poésie 2003-2019. Tous Droits Réservés.