Volée de cloches... Pâques oblige!
Zigueuner | Volée de cloches... Pâques oblige! | Ajouté le 09/04/2007 à 20h15 |
Vêtu de ma haire, serré dans ma discipline, aux pieds de méchantes sandales, la tête couverte de cendres j’essayais de faire pénitence ... J’y arrivais fort bien. Sur le parvis de l’austère cathédrale je m’approchais et un chanoine gras à lard est venu à ma rencontre avec des gestes horrifiés! « Non , non , partez , allez vous en , vous n’y pensez pas, ici c’est une paroisse bien tenue, mes paroissiens grand dieu, allez , ouste, ou je fais venir la maréchaussée.... » Et la lourde porte se referma sur le serviteur de Dieu, il grommelait des phrases sans suite « non mais , quelle idée, déguisé en bourgeois de Calais, non mais quelle cloche, allez qu’il parte, qu’il s’en aille, oiseau de mauvais augure, non mais quelle cloche .... vas t’en! » Alors je suis parti, mais pas à petit bruit . De la tour nord , du clocher , j’entendais comme un tintamarre , coups sourds qui résonnent, craquements de charpente, et une à une , du bourdon à la plus aigrelette, les cloches me suivirent . Cloche parmi les cloches , voila ce que j’étais . Alors repoussé, bouté hors les murs de la ville je m’en fus extra muros par les chemins qui tous mènent à Rome ... La route m’appelait. Anachorète anachronique je m’en allais à la recherche d’un ermitage où ermiter. A grand vacarme, de bourdonnement en carillon , jusqu’au tintinabullement de la petite clochette des enfants de choeur je me mis en marche. Je longeais les opulents pâturages où de belles charolaises vinrent à ma rencontre toutes sonnailles au vent et séduites par mon allure et la compagnie qui m’entourait elle suivirent à pas lents, au pas des troupeaux. De son champ où penché et pesant de tout son poids sur son araire un paysan me vit, vint à ma rencontre. « Ah, ça serait y donc le retour de la Pâque en été? ». Mais non mon bon, c’est un réprouvé qui s’en va expier. « Oh ben, tiens donc, prends un peu de mon de mon panier, j’y ai là saucisses et tome, de quoi te restaurer ». Au village d’en bas la cloche de l’école sonna la fin de la classe à la grande joie de mes compagnes qui redoublèrent, les vaches secouèrent le col rajoutant au bruit, dans le grand soleil du dehors. Une horde de marmaille vint nous rejoindre augmentant notre troupe. Non mais quelle fête, ne manquaient plus que les pompiers en tenue d’apparat. Biscuits, chocos, barrettes de chocolat Menier, les enfants des écoles s’ingéniaient à vouloir me nourrir, à me sustenter . Les gendarmes n’osaient pas approcher l’inhabituelle procession, c’est y bête un gendarme, surtout quand ils sont deux, nous ne les aurions pas refusés, ils auraient chanté avec les gamins, mes cloches les auraient accompagnés , ils ne seraient pas sentis seuls. Mais bon , on ne peut reprocher à un gendarme de ne pas se joindre aux cloches ... Puis ce furent vallons, chemins, ruisseaux, petits ponts de pierre, calvaires oubliés, villages au fier clocher, mairies au drapeau qui claque dans le vent, bois accueillants où trouver airelles et champignons, vignobles chargés de promesses, noires mûres couvrant les ronciers, j’étais loin de la ville et de ses façades aux fenêtres voilées. Mais il fallait trouver un gîte où gîter, un grabat où m’empaillasser, pas une grande table aux nappes damassées et au chef toqué, non, seulement un coin paisible avec de l’eau vive où délasser mes pieds. Où m’asseoir et manger. Les enfants peu à peu traînant la patte, pleurnichant « je veux rentrer » m’abandonnaient pour aller à leurs devoirs sous la suspension qui éclaire le cahier, pour retrouver la quiétude du foyer. Les vaches vaguaient de ci de là, broutant les herbes défendues, orgie de luzerne et de trèfles à trois, à quatre feuilles, c’est si bon. Peu à peu les sonnailles s’espacèrent ne restaient que mes carillonnades échappées de la cathédrale . - Oh mes belles , j’ai la tête qui vibre, ne pourriez vous pas arrêter de sonner? - Nous arrêtons si tu t’arrêtes. Nous marchons, ne pouvons nous empêcher de résonner . - Que voila un raisonnement! Elles avaient envie de voir du pays , elles qui ne le voyaient qu’au travers des claires voies du clocher, elles avaient bien entendu dire qu’en pays toulousain leurs consoeurs sont sur des murs clochers, en plein vent , à la vue de tous, elles voulaient vérifier la chose. Et puis aussi un seul voyage par an au moment du carême, pour s’en trouver à la ville éternelle à subir les patenôtres de curés très vieux , très ensoutanés, elles avaient envie de voir autre chose, par exemple la ville rose, et peut être par temps clair les Pyrénées? Une clairière au creux d’un petit bois nous a reçu, en toute simplicité, sans cérémonie, mes bruyantes amies apprécièrent le charme rustique de l’endroit, elles qui d’ordinaire surplombaient une place populeuse aux édifices somptueux. Quant à moi le silence revenu je pouvais écouter un humble grillon qui se frottait le dos avec conviction ... Ma pénitence commençait au paradis terrestre. De ma musette je retirais le pain et les saucisses, l’odorant fromage de mon laboureur ... Une modeste source me désaltéra et quand tomba la nuit les cloches décidèrent d’un tour de garde, l’une étant chargée de sonner l’heure, l’autre la demie, une autre encore les quarts. Le bourdon s’était réservé les douze coups de minuit. Et nous avons parlé dans la douceur d’un soir d’été, elles étaient avides de tout savoir et je savais bien peu de choses, nous avons parlé de Big Ben, du clocher du Kremlin, des églises de bois en Carélie, près de la Finlande, des moines sonneurs, des minarets qui leur paraissaient bien tristes sans les notes de bronze et d’airain conçues par nos forgerons. Des pagodes et des bonzes aux gongs sonores, elles s’émerveillaient de tant de diversités, malgré leur grand âge elles avaient bien peu voyagé et restaient d’une grande curiosité. - Et penses tu que nos paroissiens vont s’émouvoir de notre escapade? - Et penses tu que notre vicaire sera en colère? - Et penses tu qu’il va lancer un avis de recherche? Au loin, hors d’atteinte, grondaient les autoroutes, bruissaient les villes aux lumières jamais éteintes, hululaient les sirènes des navires, cornait la trompe des trains. Au près, sous mes pieds murmurait la source et crissait le grillon, quelques oiseaux s’échangeaient les dernières notes. Au village rentraient les bêtes, les matous maraudaient, les enfants allaient au lit bordés par des mamans aux jolies histoires, dans les bouges l’alcool coulait, dehors sous les ponts, dans des baraques de guingois les gueux se chamaillaient sans pouvoir éloigner leur misère. Et le chômeur n’arrivait pas à trouver le sommeil lui qui vivait tous les jours la fin du mois, et souffraient dans le hôpitaux les chairs meurtries des malades et sous tous les cieux veillaient des hommes en armes guettant l’ennemi. Dors en paix soldat , dors en paix vagabond , repose ta douleur toi l’hospitalisé, oublie ton état chômeur désemparé, au moins ce soir, tout est calme, c’est si bon un peu de paix .... PS Ne pas s'épuiser à chercher un sens... moi même je m'y perds, alors partons en balade. |
Lysée-Hodinia | RE: Volée de cloches... Pâques oblige! | Ajouté le 11/04/2007 à 18h46 |
Bonsoir, Zigueuner ! ( Ne suis point étonnée... et pour cause !! (:) Déjà! Un petit survol sur la différence : on frappe à une porte mais on ne veut pas du quidam - de surcroît, une église ? Grand Dieu ! La route appelle : et voici pauvre pélerin partant en quête !! C'est en campagne que la main se tend ... ( barres chocolatées Meunier : Que c'est loin, cette petite chose !) Au loin, le bruit assourdissant de la Ville et ses Folies ! Au pieds : le doux chant de la Source ! Le bonheur tranquille de ces petits coins charmants et pittoresques ! Et tu penses, cher Ami, que rien n'est à chercher là-dedans ???? Bravo!! Au plaisir !! |
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