Chemins de traverse
Zigueuner | Chemins de traverse | Ajouté le 16/01/2007 à 19h14 |
Nous empruntions des chemins de traverse, parfois oublieux de les rendre ... Heureusement l’inspecteur Magret veillait au grain. Mais qu’il avait lui même l’air emprunté, sanglé dans son imperméable, emprunté à qui ....? Crazy Horse allait à l’amble. (je ne sais pas ce que ça veut dire , mais j’aime bien, « aller à l’amble »). Il se prenait pour Crin blanc. Ca ne simplifiait pas la vie, depuis que Louyétu était sorti du bois, il semblait inquiet, nerveux, il ne chantait plus ces vieilles ballades de l’ouest sauvage, celles que l’on chante accompagné d’un harmonica quand à la veillée les braises du feu de camp achèvent de se consumer. Mais comment faisaient ils? Je n’ai jamais su m’accompagner d’un harmonica, à la rigueur d’un harmonium, mais au bivouac c’est assez malaisé. Il faudra que je demande à Crazy Horse, il doit bien savoir lui. Avez vous déjà vu un colvert en imperméable? Moi si! Même que c’est grotesque. Troublé je lui ai demandé « Votre grâce (il faut faire très attention avec lui ), pourquoi ce Burberry’s sur vos endosses? ». C’est vrai ça, en général les gouttes ruissellent sans s’arrêter sur le plumage de ces palmipèdes amphibies. Il déposa la pipe qu’il suçotait, il faisait d’ailleurs un bruit très désagréable de tuyauterie comme « tuf , tuf ... », c’en était pénible par moments, ça glougloutait, pour un canard c’est pas naturel, pour un dindon oui, mais Magret n’avait pas le physique d’un dindon de la farce. Le regard énigmatiquement abrité derrière ses ray ban d’aviateur play boy (n’oublions pas que les canards sont des migrateurs émérites, ils abattent des distances considérables, « Pan , j’en ai encore abattu une! ») il me répondit d’un air mystérieux: - Il se passe des choses, ici, en ce moment , parmi nous, avez vous remarqué? Il se prend pour Hercule Poirot, il nous fait quoi le canard? - Je n’en dirais pas plus... Louyétu dans son coin, enfouissait, défouissait, fouissait avec conviction des ragougnasses du repas de midi, je reconnaissais bien là l’instinct de conservation des ces loups coureurs de steppes, il savait grâce à son flair infaillible retrouver la nourriture ainsi épargnée... Enfin flair infaillible, pas d’exagération quand même, ça refoulait méchant, valait mieux enterrer ces horreurs. Nous avions rendu le chemin de traverse emprunté à taux zéro pour prendre un grand axe... - Et qu’est ce que je vous sers ? - Un grand axe, je prendrais bien un grand axe. Crazy Horse paraissait de plus en plus inquiet, « ax » ne signifie t’il pas « hache » dans le rude parler des coureurs de prairie? Nous avons marché encore et encore, la nuit ne semblait pas devoir tomber, mais Magret me fit remarquer que la nuit tombait à l’heure dite, le plus souvent silencieusement au contraire de la pluie. « Avez vous remarqué , lorsque tombe l’eau bienfaisante, on l’entend? » . Un aimable bosquet nous abrita du soleil qui dardait ses rayons (oh , le cliché, allez retourne à ton ouvrage...) et je pus ainsi reposer mon corps las de tant de pas... Au loin, nimbée de pollution, la grande ville attendait que nous fassions notre entrée. Alors Magret s’est confié « savez vous que Louyétu m’a demandé de hurler avec lui? Son ton était presque menaçant, il m’a sorti des histoires de mère grand, de Chaperon soviétique ... » J’objectais que si le Chaperon était rouge, cela ne signifiait pas automatiquement qu’elle devait être communiste. Le rouge après tout est une couleur fort répandue, notamment au soir des grandes batailles, comme Austerlitz par exemple ... « Pourquoi ne quittez vous pas cet imperméable? »Il m’a alors expliqué que Louyétu n’était pas franc, plutôt varègue, que c’était un prédateur, mais sa mauvaise dentition ne lui permettait pas de déchiqueter la toile enduite de son vêtement. Il ajouta « vous avez vu , même Crazy Horse n’est pas à son aise, lui qui d’habitude dort debout, là il ne se sert que de trois jambes... TROIS jambes! Pensez y.» Ainsi la belle ambiance du début s’était dégradée, ces hardis compagnons de route se surveillaient! Grand Dieu , que faire? Mais Louyétu dans un bel élan d’abnégation qui ne manquait pas de noblesse nous a laissé investir la grande ville sans lui, arguant que « un loup, n’est ce pas, notre espèce a mauvaise presse, je ne veux pas compliquer, allez y sans moi ... ». Et il est parti fier et libre. A tout prendre, ce loup n’est pas mauvais cheval .... |
Seb. | RE: Chemins de traverse | Ajouté le 16/01/2007 à 21h11 |
Bravo Zig j'adhére c'est Strange mais bien écrit! A plus Seb. |
Lysée-Hodinia | RE: Chemins de traverse | Ajouté le 16/01/2007 à 21h49 |
Zigueuner a la Plume en poupe! Il chevauche magnifiquement...quelquesoit son thème ! L'humour au rendez-vous, les "clin d'oeils" sous les mots valent que l'on s'attarde, que l'on fasse le plongeon dans sa rivière... Epoustouflant narrateur! On passerait ses nuits à .... galoper sur ses mots aventuriers! |
lucie | RE: Chemins de traverse | Ajouté le 17/01/2007 à 01h22 |
la sagesse, on la trouve dans vos textes! |
Zigueuner | RE: Chemins de traverse | Ajouté le 17/01/2007 à 10h13 |
Eh bien Lucie , vous avez de drôles de lectures , j'ai vu l'heure du commentaire ....1h20 du matin . Merci de vous être arrêtée sur ces chemins de traverse , ils sont là , on se demande si on va les prendre , certaines fois on les prend , alors ça fait ça . |
loreley89 | RE: Chemins de traverse | Ajouté le 17/01/2007 à 10h26 |
..Ton texte est un bonheur à lire...et j'espère bientôt lui faire honneur......merci de l'avoir mis sur le site, j'aurai d'autant plus de facilité à le cueillir .....amigo mio!! |
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